Qu’est ce que la méthanisation ?

 

C’est un processus naturel de transformation de la matière organique en un mélange gazeux appelé biogaz et en une partie liquide/solide appelé digestat.

 

Processus = fermentation anaérobie (en l’absence d’air) effectuée par une dizaine de familles de microorganismes chacune se nourrissant d’une partie de la matière organique.

Naturel = il se produit dans les marais, la panse des ruminants, les rizières, …..

Matière organique = biomasse = fumier, lisier, fientes, boues urbaines, ordures ménagères, lactosérum, jus de cuisson, relief de repas, tonte, feuilles mortes, …….

Biogaz = mélange de méthane CH4 et de gaz carbonique CO2 dans des proportions allant de 40 à 70 %.

 

L’Homme a domestiqué ce phénomène naturel afin d’assurer 3 fonctions d’égale importance :

            Produire de l’énergie sous forme de gaz combustible comparable au gaz de ville après épuration.

            Assurer une dépollution des déchets organiques d’une zone ; ferme ou canton ou industries agroalimentaires (IAA)

            Transférer la richesse agronomique des lieux non cultivés vers les cultures (*).

 

Il existe 3 types d’unité de méthanisation (fermenteur méthanogène) :

Type fermier installé dans ou près d’une exploitation agricole afin de transformer toute la biomasse agricole.

Type territorial afin de dépolluer toutes les matières organiques disponibles aux alentours.

Type industriel installé sur le site d’une usine agroalimentaire afin de dépolluer les jus agroalimentaires.

 

Les 2 premiers types génèrent un digestat qui nécessite un épandage dans les terres (*) cultivées car il contient des éléments fertilisants qui doivent se substituer aux intrants chimiques : les engrais. Ce retour de la biomasse dans les champs était très pratiqué voici déjà 30 ans lorsqu’élevages et cultures étaient étroitement liés. C’était alors une nécessité absolue du fait de l’absence d’éléments fertilisants chimiques ou importés tels que le guano. Ce retour à la terre avait et donc aura une conséquence importante : il s’agit du maintien voire de l’augmentation du taux d’humus des sols aujourd’hui réduit au 1/3 sauf pour les terres menées en bio ou en biodynamie ; méthode qui consiste à nourrir les sols pour qu’ils nourrissent les plantes.

 

Ces 2 premiers types de fermenteur doivent donc impérativement être proches des champs sur lesquels le digestat sera épandu selon un Plan d’épandage limité à 70 unités d’azote à l’ha.

Le type industriel est connecté à l’usine agroalimentaire pour laquelle il assure la dépollution des effluents liquides. Cette dépollution devant être complétée par une station d’épuration (STEP) des digestats pas assez riches pour être épandus. Une séparation solide/liquide avant la STEP permet de récupérer les microorganismes anaérobies sous forme de boue soit pour les épandre (problème des métaux lourds) soit pour les incorporer dans un fermenteur des 2 types précédents.

 

            La domestication de ce phénomène consiste à optimiser les conditions de vie des microorganismes anaérobies en maintenant la biomasse à l’abri de l’oxygène de l’air à une température constante toute l’année (soit 25°C soit 35°C soit 45°C) et en alimentant le fermenteur chaque heure ou plusieurs fois par jour tout en récupérant dans la partie qui sort du fermenteur le plus de microorganismes possibles et le plus de matière solide pas assez dégradée. En fait un fermenteur fonctionne comme une vache qui en a un fermenteur dans sa panse.

            C’est ce maintien en température qui pose problème en hiver ; il faut que le fermenteur soit isolé et que la matière entrant soit réchauffée en général par la chaleur de la partie qui sort. Pour les IAA ce problème n’existe pas car les jus AA sont chauds.

            C’est pourquoi la plupart des fermenteurs sont dotés d’un groupe électrogène fonctionnant au biogaz et générant en cogénération de l’eau chaude à 80°C pour réguler la température du moteur et maintenir la température du ou des fermenteurs.

            Le biogaz peut aussi être utilisé après épuration poussée en gaz naturel injectable dans le réseau gaz qui alimente tout l’hexagone. Seules les grandes installations de plus de 1000 m3 de fermenteur peuvent amortir cette épuration (le point de rosé doit être inférieur à -63°C).

Seconde utilisation : après une mise en pression à 200 bars il devient un carburant automobile : le Gaz Naturel pour Véhicule (GNV).

 

Approche politique :

            Les pouvoirs publics participent au financement de ces unités soit par des prêts relais, soit par des dotations à l’investissement, soit par le rachat de l’électricité générée par les groupes électrogènes valorisant le biogaz après barbotage pour éliminer H2S trop corrosif pour les moteurs.

            Actuellement le prix de rachat du kWh électrique par EDF, pour les petites installations de 75 kW électriques, est de 0.23 €. (il est de 0.13€ pour la microhydroélectricité et nous achetons ce kWh à 0.11€ en heure pleine)

            Pour les agriculteurs c’est une manne financière indéniable.

En Allemagne 8 000 fermenteurs fonctionnent, certains dans des exploitations laitières. Les revenus du biogaz permettent aux fermes laitières de « brader » leur lait à 0.24€/kg alors qu’en France le même lait vendu à 0.34€/kg ne permet pas aux éleveurs de vivre de leur métier. Actuellement l’ADEME prévoit de subventionner, pour la France, 1500 unités de méthanisation de type agricole.

 

Conclusion :

Nous devons favoriser l’implantation des fermenteurs dans les fermes d’élevage à condition qu’elles disposent de terres autour pouvant recevoir les épandages. Ce double bénéfice (énergie et fertilisants) pour l’exploitation permettrait aux fermes d’élevages et de cultures d’équilibrer leurs budgets tout en générant des revenus normaux pour le monde agricole qui perd 2 500 exploitations chaque année depuis bientôt 40 ans (mais il se crée 800 fermes bio par an) !

Les autres types de fermenteurs ne doivent pas être subventionnés car ils sont assimilés à des unités de dépollution à intégrer dans les processus industriels pour lesquels des taxes de dépollution sont prévues. La méthanisation réduit le montant de ces taxes ce qui s’ajoute aux ventes d’énergie ou de gaz et donc rentabilise l’installation.

Pour les fermenteurs territoriaux ils n’ont pas lieu d’être dés lors que les fermenteurs fermiers de petites tailles sont disséminés sur tout le territoire.

Le retour à la terre de la biomasse est une des conditions majeures pour pérenniser et accroître la fertilité naturelle des sols évitant ainsi l’utilisation d’engrais chimiques polluants, énergivores et grevant le budget des fermes.

 

C’est un cercle vertueux que nous favorisons ainsi via :

1.      le retour à la terre de la matière organique indispensable au maintien de sa fertilité,

2.      la substitution des engrais chimiques par les fertilisants concentrés par la méthanisation,

3.      la réduction des pollutions organiques

4.      l’amélioration des revenus des éleveurs / agriculteurs

5.      la création de territoires à énergie positive en réduisant les consommations énergétiques (*) et en produisant de l’énergie sous forme d’électricité, d’eau chaude et de gaz combustible.

(*) la réduction des consommations est liée à !

la réduction des intrants chimiques : 1 kg d’azote chimique nécessite 1 litre de gasoil.

La réduction des dépollutions aérobies : 1 kg de DBO5 dépolluée nécessite 3 kWh électrique dans une STEP

DBO5 Demande Biologique en Oxygène sur 5 jours = unité de pollution organique des liquides.

 

Actuellement 7 prototypes de méthaniseurs fermiers sont en cours d’agrément par l’ADEME.

Un d’entre eux fonctionne depuis 4 ans à Castelmoron dans le Lot & Garonne.

Il vient d’avoir l’agrément ADEME et est prêt à être commercialisé.

Ses caractéristiques sont :

            Zéro béton = le site est réhabilitable très facilement

            Fermenteur en bâche souple de 400 m3

            Post fermenteur : idem

            2 bâches souples de stockage du digestat permettent l’adéquation entre la production en continu du digestat et son épandage 9 mois par an via un plan d’épandage local limité à 70 unités d’azote par ha.

            Ces 4 réservoirs souples permettent de limiter les odeurs sur le site.

            Puissance électrique installée = 75 kW fonctionnant 80% du temps au minimum.

            L’eau chaude en excès permet de déshydrater une partie de la matière sèche du digestat pour la production d’un fertilisant sec transportable dans les vignobles bordelais.

 

            L’utilisation de matériaux souples recyclables permet la réduction de l’énergie grise utilisée pour construire et réhabiliter l’unité de méthanisation. Le béton et l’acier ont une énergie grise très élevée tant en terme de construction que de réhabilitation des sites de productions.

 

Rentabilité : (évaluations/estimations/déductions)

            Budget d’investissement hors subventions : 500 000€

            Main d’œuvre supplémentaire : 1/3 temps soit 12 000€/an.

            Entretien : 20 000 €/an (estimation)

            Revenus :

                        Electricité 75 x 0.8 x 24 x 365 x 0.23 = 120 888 €/an

                        Engrais chimiques substitués par l’épandage = 10 000 €/an (estimation)

                        Fertilisant sec ….

 

            Solde annuel arrondi à + 98 888 €/an.

            L’investissement serait remboursé en 5 ans.

NB : ces éléments de calculs sont à confirmer par l’entreprise ARCBIOGAZ qui commercialise ce produit ET en assure la bonne marche pour au moins 2 années !

 

Importance de la méthanisation en France :

            La transition énergétique et donc l’arrêt du nucléaire amplifie le problème de l’adéquation entre la consommation et la production de l’énergie électrique non stockable. La méthanisation permet de différer la production électrique en stockant le biogaz ainsi l’écrêtement des pointes de consommations locales est facilité et donc participe à une meilleure adéquation consommation/production.

            La dépollution des effluents liquides à forte charge organique par méthanisation + la digestion des boues aérobies des STEP génère une réduction de la consommation énergétique des STEP et permet d’en améliorer l’efficacité et de différer leur agrandissement ou leur construction.

            La fertilisation des terres agricoles par les digestats génère une réduction des intrants chimiques fort consommateur d’énergie lors de leurs productions, forts polluants par leurs mesusages. Cette fertilisation pérennise l’agriculture aujourd’hui en bout de course suite à l’épuisement de la fertilité organique des sols (perte des 2/3 de l’humus). La France dispose de plus de fertilisants méthanisables qu’elle n’utilise d’engrais chimiques.

            Les élevages industriels de grande taille sont à abolir et à contre carrer ; la méthanisation de petite taille (moins de 1000 m3 de fermenteur) doit y contribuer.

 

 

Fait par Alain ZANARDO le 22 janvier 2016